Le sacrifice d'un humain pour la neige et la montagne
La tragique histoire d'un petit corps solide et chaud, sous son blouson, sous la tempête.
On ne le verrait pas de là, un petit corps vous dis-je.
J'ignore si David Sharp est mort dans la tempête. On va dire que oui - présupposé n°1.
Présupposé n°2 : David Sharp était un jeune homme sympathique.
David est un très joli prénom ; notre David fut d'abord un petit garçon anglais, puis un prof de maths, puis un alpiniste.
Cette histoire fut publiée dans le Times of India du 28 mai 2006. Une équipe de 40 grimpeurs a laissé l'un des leurs mourir, ils l'ont vu s'effondrer ("to collapse") et ne se sont pas arrêtés ; les rares ayant eu le courage de lui adresser un regard ont estimé qu'ils ne pouvaient pas l'aider.
J'ai lu cet article dans le fascicule du cours d'anglais des L3, cours que j'avais l'intention de gruger avec méthode et détermination, réfléchissant à 36 façons de me faire valider mes acquis - ce en quoi j'ai échoué. On avait ce texte à lire. La barrière de la langue et les exercices qui se trouvaient à la suite pour évaluer notre niveau m'ont un temps protégée, puis j'ai pas pu m'empêcher de le voir, le type, qui avait rêvé de ça toute sa vie, sous son équipement extra, s'écrouler vaincu dans la poudreuse. Victoire du blanc neutre et souverain sur le pauvre organisme, la malheureuse chair douce qui refroidit fatalement, les malheureux poumons affolés.
"Dis à x et y que je les aime..."
Même pas ! Personne ne s'est arrêté ! Il a gardé pour lui ses petites visions humaines de bons lits chauds, de câlins, dont tout le monde se foutait, que tous les autres ont snobé pour avoir oublié / rejeté les leurs en cet instant, récentes pourtant (car toujours récentes dans l'ascension de l'Everest, on ne rêve que de ça - la nuit dernière peut-être); puis sa respiration a résonné bien fort dans sa cagoule, il a dans son dernier moment de conscience eu horreur & douleur de ses coéquipiers, et le corps humain a arrêté de fonctionner.
Je n'ai pas vraiment arrêté d'y penser depuis tout à l'heure. Enfin, c'est mis en forme.