La pensée poétique
Une opale noire. Ne déchire-t-elle pas ?
J'ai un problème, depuis longtemps...
Confrontée aux vastes énigmes de ce monde ahurissant, j'ai naturellement tenté d'en comprendre les mystérieux rouages et je me suis heurtée à un mécanisme psychologique, qui m'est propre, pénible et chiant : tout ce qui est moche m'emmerde. Les conséquences en sont les suivantes : alors que ma curiosité insatiable me pousse à me renseigner sur tout et rien, les renseignements obtenus, s'ils sont dépourvus de beauté, m'ennuient profondément, me lassent et me poussent à l'abandon.
Exemple 1. J'envisageais depuis longtemps d'acquérir un petit télescope de débutante ; il y a 2-3 ans de ça, j'ai donc décidé de me lancer plus franchement dans l'astronomie ; mes tentatives précédentes (style, observer le ciel en apprenant le nom des constellations) avaient été plus que pas concluantes du tout mais je ne désespérai pas et achetai un magazine qui me parut de bonne qualité. Il le fut ; mais je lus d'une traite le débat philosophique sur la vie extraterrestre tandis que les articles d'astronomie à proprement parler (pour lesquels j'avais acheté la revue) se trouvèrent purement snobés. C'est pas faute d'avoir essayé, pourtant... Alors on vous explique qu'à Saint Genis Laval vous verrez briller Jean-Jacques contrairement à John Craig McLavalland d'Australie qui observera, le petit chanceux, c546-XV à 23.1° SO-NO ! Dingue. Et les nuages de poussières astrales turquoise et roses des nébuleuses d'Orion et de la Carène, et les galaxies lumineuses par milliards, et les astronautes qui flottent dans leurs astronefs? Niet. Rien que des CO2, des degrés, des formules, de la gravité.
Grande, immense déception au collège : censée apprendre des trucs kiffants, les cours de physique sont atrocement laids. On pourrait en dire autant de toutes les matières scientifiques...
Exemple 2. Je collectionne les minéraux mais la minéralogie m'agace. J'en connais le strict minimum mais, faute d'avoir trouvé un réel intérêt intellectuel pour une discipline aussi plan-plan et déconnectée de son sujet d'étude (allez décrire la splendeur, la lumière, l'art incongru, l'harmonie pure qui émane du hasard le plus absolu avec des formules chimiques et des notices géologiques...), ou de ce que je perçois et trouve pertinent de ce sujet d'étude, j'ai plus ou moins abandonné et l'enthousiasme très vif qui m'animait au début s'est un peu ratatiné. Car tout de même, collectionner des objets, aussi beaux soient-ils, sans rien (ou presque) apprendre de beau à leur sujet, c'est affreusement frustrant. Malgré tout je reste curieuse et cultivable, donc la contemplation de la forme ne me suffit pas. Je suis finalement beaucoup plus renseignée sur la symbolique des pierres, mais elle n'a pas de valeur scientifique et ne peut donc être organisée en système, ce qui pose problème, cette fois, à l'aspect organisateur de ma façon de penser, dont je ne peux me défaire.
Ni la "science" ni la "spiritualité" (les deux au sens large) ne comblent franchement mon besoin de savoir et de jouissance esthétique. Je suis très, très frustrée.
Oh, il y a toujours de la poésie quand on apprend, au début, quelque chose de scientifique. Mais la curiosité pousse à vouloir en connaître davantage, et là ça devient vilain. Il y a toujours de l'enchantement quand on étudie les mythes et les symboles, mais on se lasse des jolies histoires qui répondent toujours - et jamais - au sens de la vie et au comment des choses. Pas quelque chose de kitsch, d'exotique, de tiré par les cheveux, non, le vrai du vrai... Pas non plus des formules, des équations. Pourquoi le Big Bang, pourquoi les pierre sont aussi incroyablement splendides alors qu'elles ne servent à rien. De quoi les couleurs et les lumières sont réellement faites - ni des esprits, ni des particules...
Le Temps du Rêve : juste comme ça, je tiens à signaler que la culture aborigène a, selon moi, conçu le principe de création du monde le plus beau et le moins kitsch, mêlant poésie simple et originalité. Toutes les cultures en sont bien sûr capables chacune dans leur genre, mais cette façon de voir les choses me plaît particulièrement en fait, sans qu'il soit besoin de rentrer dans les classiques détails particuliers de vie quotidienne, rituels, etc (choses intéressantes en soi, mais ce n'est pas mon propos). Le Temps du Rêve y est le concept central, si ça vous intéresse, googlisez là-dessus les amis ; bonne nuit.